Michel
de Montaigne,
Livre II, Chapitre XII, "Apologie de Raymond Sebond".
(Edition Villey-Saulnier, Puf, 2004, pp.452-459).

Les
arondelles, que nous voyons au retour du printemps fureter tous les
coins de nos maisons, cherchent elles sans jugement et choisissent
elles sans discretion, de mille places, celle qui leur est la plus
commode à se loger ? Et, en cette belle et admirable
contexture de leurs bastimens, les oiseaux peuvent ils se servir
plustost d'une figure quarrée que de la ronde, d'un angle
obtus que d'un angle droit, sans en sçavoir les conditions
et les effects ? Prennent-ils tantost de l'eau, tantost de l'argile,
sans juger que la dureté s'amollit en l'humectant ?
Planchent-ils de mousse leur palais, ou de duvet, sans prevoir que les
membres tendres de leurs petits y seront plus mollement et plus
à l'aise ? Se couvrent-ils du vent pluvieux, et plantent
leur loge à l'Orient, sans connoistre les conditions
differentes de ces vents et considerer que l'un leur est plus salutaire
que l'autre ? Pourquoy espessit l'araignée sa toile en un
endroit et relasche en un autre ? se sert à cette heure de
cette sorte de neud, tantost de celle-là, si elle n'a et
deliberation, et pensement, et conclusion ? Nous reconnoissons assez,
en la pluspart de leurs ouvrages, combien les animaux ont d'excellence
au dessus de nous et combien nostre art est foible à les
imiter. Nous voyons toutesfois aux nostres, plus grossiers, les
facultez que nous y employons, et que nostre ame s'y sert de toutes ses
forces ; pourquoy n'en estimons nous autant d'eux ? pourquoy attribuons
nous à je ne sçay quelle inclination naturelle et
servile les ouvrages qui surpassent tout ce que nous pouvons par nature
et par art ? En quoy, sans y penser, nous leur donnons un tres-grand
avantage sur nous, de faire que nature, par une douceur maternelle, les
accompaigne et guide, comme par la main, à toutes les
actions et commoditez de leur vie ; et qu'à nous elle nous
abandonne au hazard et à la fortune, et à
quester, par art, les choses nécessaires à nostre
conservation ; et nous refuse quant et quant les moyens de pouvoir
arriver, par aucune institution et contention d'esprit, à
l'industrie naturelle des bestes : de maniere que leur
stupidité brutale surpasse en toutes commoditez tout ce que
peut nostre divine intelligence.
Michel de MONTAIGNE 1533-1592
Homme politique et penseur de la Renaissance. Il
fait des études de droit mais en humaniste convaincu, il prend l'Homme,
et en particulier lui-même, comme objet d'études dans son principal
travail, "Les Essais", entrepris à partir de 1557.
Son influence est colossale sur la littérature française,
occidentale et même mondiale. Durant le temps des guerres de religion,
MONTAIGNE, lui-même catholique, agit comme un modérateur.
De 1580 à 1581, il voyage en France, en Italie, en Allemagne, en
Autriche et en Suisse tenant un journal. Etant à Rome, en 1581, il
apprend qu'il avait été élu maire de Bordeaux. Il remplit consciencieusement ses obligations de maire durant tout son mandat.
Il continue d'étendre et de réviser "Les Essais" jusqu'à la fin de sa vie, en 1592 au château de Montaigne. "Les Essais" sont publiés en 3 volumes.
http://bibliodroitsanimaux.voila.net/montaigneapologiederaymondsebond.html
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conférence 22, une sagesse tragique, (
à partir du milieu de la conf) Onfray parle de Montaigne et des animaux
Michel Eyquem de Montaigne site Larousse