Lettre ouverte

 

Monsieur le Percepteur,

 

Je suis actuellement retraité de la Poste, institution pour laquelle j’ai œuvré avec fierté durant quasi quarante années. A cette époque, toutes nos instructions de fonctionnement avaient pour base un sens immodéré du respect pour le service public. Mais ce que je constate actuellement me rempli de tristesse et de désolation, et ce sentiment ne fait que s’accroître de jour en jour.

 

A la lecture de la presse, ces derniers jours, annonçant les bureaux destinés à être supprimés, je dois reconnaître avoir littéralement craqué. En effet, lorsque j’ai vu dans cette de suppression, le bureau sis à NIVELLES, Allée des Lilas, j’ai encore plus fortement pris conscience de l’ampleur du désastre.

 

Je suis âgé de 75 ans, et il faut bien reconnaître que la mobilité devient tout doucement problématique. Et encore, j’ai de la chance d’être un ancien sportif, et que la santé, jusqu’à ce jour, me préserve. Mais, ma situation est loin d’être similaire pour un bon nombre de mes voisins. Certains ne disposent plus de voiture (trop cher en rapport des pensions), ou ne peuvent plus conduire, etc

Il serait aisé de répondre à cela par l’existence de transports publics, ou la communication via internet, ou que sais-je encore. Mais ces moyens sont eux aussi, soit coûteux et compliqués, soit rares, et inaccessibles (marches hautes pour monter dans le bus ; fréquences espacées – 2 heures parfois ; etc …).

 

Quels trajets à effectuer pour simplement se munir de timbres, retirer du courrier recommandé, ou des colis, ou encore en qualité d’ex-client des CCP, pour déposer mes virements (dont le dépôt est obligatoire au siège même d’un bureau). Et je ne parle pas des retraits de liquidités.

Mais là encore, il me sera répondu la création d’un « dépôt-services » ou autre nom, ayant pour siège un commerce des environs. Mais qu’en est-il de la responsabilité desdits commerçants ? Seront-ils assermentés ? Discrets ? Pourront-ils garantir la distribution à bon port d’envois recommandés, dont la valeur sur le plan civil revêt d’une qualité bien particulière ?

 

J’ai connu l’époque où un bon service postal d’un pays reflétait l’avancée de la civilisation de cet État. En serait-il autrement de nos jours ? Depuis 1830, La Poste était le seul lien entre l’Autorité, dans son sens large, et le citoyen. Et ce lien était encore plus prononcé, voire indispensable pour les éloignés de tout, les oubliés, les exclus, et marginaux. Que va-t-il advenir de ces personnes ?

 

Mes craintes sont plus grandes encore, si ces nouvelles dispositions sont à l’image de la distribution actuelle du courrier par la Poste, où dans ce domaine là, je me refuse d’entamer toute polémique, afin de préserver ma santé.

 

Je rage de constater qu’un des derniers fleurons du Pays rejoint la médiocrité de l’égoïsme de ses dirigeants, où l’unique appât du gain imposant et rapide fait loi. Que les actionnaires se tournent quelque peu vers le futur, avant que leur propre descendance ne constate trop tard, les méfaits des délires actuels.

 

Il ne faut certes pas céder au gaspillage, ni au laisser aller, mais il est, par essence, utopique de mêler service public, et rentabilité. Les relations humaines n’ont, et ne seront jamais remplacées par l’argent, et le court terme n’est qu’illusoire.

 

Roger Monseur