Sauvage !
L'ami Daniel Duret, irréductible producteurs de plans de petits fruits,  nous fait parvenir un texte sur la préservation des framboises.
Pourquoi ? Pour le goût et pour la diversité  bien sur !

Catalogue 2005. Les textes ne sont pas forcément botaniquement descriptif,
mais certainement aussi savoureux
que les petits fruits.

 


Pour ceux qui on oublié ou qui n'ont jamais connu les feuilles de cassissiers. Prendre une feuille dans sa main
et la frotter. Sentir sa main. Plus fort le parfum.

 


Grappe de frits remontant d'un framboisier
Zéva au jardin Roux. Mûrs dans quinze jours ?

 

 Y’a comme un goût bizarre dans la framboise!

Au début de l’Eté 2004, dans une chronique de Télématin, j’entendis le “spécialiste” parlant aux futurs vacanciers, les prévenir du danger qu’il y aurait à manger des framboises sauvages... Elles pourraient être porteuses d’une maladie grave et rarissime transmise par l’urine des renards! Bon, à moins de confondre fraisiers et framboisiers ce qui, vu de Paris, est tout à fait concevable, je m’imagine mal les renards pisser sur des fruits perchés plus haut qu’eux! A moins qu’ils n’organisent entre eux des concours à qui pisserait le plus loin ou le plus haut comme le font les petits garçons délurés.

Pourtant ce monsieur semblait vouloir vanter ce fameux goût de “sauvage",si recherché maintenant que tout ce qu’on vous vend vire au fade, sur le mode industriel. Il cherchait à faire remarquer que cette subtilitédisparue des rayons des supermarchés, le vacancier risquerait de la retrouver sur la piste de ses congés payés. Mais pas toujours au détour d’un sentier de randonnée, quelquefois même sur les petits marchés de patelin où des producteurs font de la vente directe.
J’avoue alors n’avoir pas très bien compris où il voulait en venir! Peut-être que lui aussi n’était pas très sûr de la finalité de son intervention!
Disait-il que certains ramassaient leurs framboises dans les bois ? Ou alors, pour leur donner ce délicat goût de “sauvage”, laissait-il entendre qu’ils se levaient-ils tous les matins, pisser un bon coup sur leurs framboisiers?

Je me suis dit alors que l’irrationnel qui envahit de plus en plus notre société, n’épargnait même pas mes pauvres framboisiers... La collectivité médiatique pour contrecarrer radicalement et brutalement(ou bêtement) le sentiment d’impuissance que le consommateur subit en achetant ses fruits, lui propose à l’opposé, comme fuite en avant libertaire, d’aller chercher du côté du sauvage. Du “Bon Sauvage”! Ce printemps cette démonstration m’a encore été faite, en direct même, dans les colonnes d’un mensuel qui se vante d’avoir des amitiés parmi les cabanons de jardins!
On y a vu des photos de framboises de type sauvage, c’est à dire de tout petits fruits à grosses granules hétérogènes, presque solitaires sur leur branche souffreteuse: le contraire de ce qu’un bon producteur veut et exige des variétés qu’il cultive!
Pour ces gens-là, le goût serait donc dans l’aspect? Un fruit petit, difforme, pâle et rare, ce serait ça le summum du parfumé? Ils appuient leur “gesticulation” grâce aux découvertes variétales faites par un pépiniériste angevin (un concurrent!) qui apprit très vite comment passer du chimique au biologique, en un tour de cintre, et qui prétend aujourd'hui sélectionner des clônes de framboises sauvages... Et comme on dit en Suisse: “Quand on a dit ça... On a tout dit!”

La tradition horticole, celle dont tout le monde intelligent s’honore, celle qui sait conserver les meilleures variétés, qu’elles soient anciennes ou plus modernes, s’est toujours fait remarquer selon le principe dit d’amélioration des espèces. Vous me direz, aujourd’hui, avec la fraise espagnole Camarrossa, qui rebondit au sol quand on la lâche, ainsi qu’avec les OGM, la notion d’amélioration prend un sens qui est loin de satisfaire les gens de bon sens, justement, et gens de goût en plus!

Pour moi, quand je propose une variété nouvelle, c’est qu’elle apporte quelque chose de nouveau et de bien à la gamme existante. Mais quelquechose en plus et non en moins!
Le plus que l’on recherche est bien sûr le parfum, la saveur, la nouveauté, la différence, la diversité en général. Diversité des formes, des couleurs, des époques de maturité, etc... Régularité et beauté des fruits, facilité de cueillette, rendement, résistances diverses, et que sais-je de plus...
Mais pas un retour en arrière! Pas de ces fruits grenaillés qui s’écrasent dans la main délicate des cueilleuses et que les producteurs(trices) de petits fruits craignent plus que tout! Des fruits qu’ils ne peuvent que laisser sur pied!
L’invention par l’INRA de la multiplication in-vitro des framboisiers a, pendant longtemps et sans que jamais les responsables de cette administration ne se remettent en cause(question de gros sous!) fait se répandre partout en France chez les producteurs, une hantise légitime de ces plants de framboisiers dits: “grenaillés” qu’ils nous vendaient, en tant que plants de base et qui polluaient toute notre production. On pouvait nous faire des procès pour ça, on m’en a fait, alors j’ai coupé tout lien avec cet arrière-monde là.(cf: Nietzsche).
Depuis je suis revenu à des pratiques saines, biologiquement acceptables, mais quand je vois ces photos de framboises typées “Sauvages”, je ne peux m’empêcher de penser à cette dégénérescence dûe à l’in-vitro, que l’expert nommé lors de mon procès a reconnu être très fréquente dans la nature... Modernité ici rimant avec rappel au passé sous ses plus mauvais aspects. J’ajouterai que le sélectionneur de sauvage cité plus haut, est un retraité de l’INRA!
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Dans mon catalogue amateur j’ai éliminé de nombreuses variétés que j’estime de piètre qualité mais qui encore, malheureusement, sont demandées par une partie de la production pour alimenter un marché souvent d’exportation. Ce sont toutes des variétés anglaises d’origine telles que: Glen Moy, Glen Prosen, Glen Lion... etc... Ce qui m’avait laissé dire, en tant que boutade : “Framboises de goût anglais!”. Toutes roses pâles et fades! Mais, et cela prouve la justesse de la boutade (car si la moutarde nous monte au nez, la boutade elle nous monte à l’esprit!), c’était bien du marché anglo-saxon qu’il s’agissait de satisfaire. Une grosse Coopérative d’Anjou s’en est fait la spécialité et exige de ses adhérents qu’ils ne cultivent que ces variétés-là! C’est dire la marge qui nous reste pour faire évoluer les pratiques!

Le chaland, en passant, trouve le plus souvent sur les marchés les variétés: “Héritage”, “Meeker”, “Blissy”, très répandues et de temps à autres des choses comme: “Tulameen”, en progression! Mais ce qu’il risque encore le plus de trouver, surtout en grande distribution, c’est de la “Glen Lion”! L’Espagne industrieuse, pollueuse et irrespectueuse des lois sociales s’est jetée dessus il y a quelques années et elle n’est pas près de s’arrêter! Malgré la Tulameen et la Meeker, malgré le non au référendum et malgré le Maroc aussi(qui s’y est mis)!
Caractéristiques propres à la Glen Lion: des fruits difformes, petits et sans saveur mais semblant presque trait pour trait, à des fruits ramassés sur le chemin qui monte au plan de l’Aiguille à Chamonix! (C’est un souvenir personnel et j’ose espérer qu’il y en pousse encore!)

Donc pour clore mon exposé que j’espère lumineux(sic), il n’est pas utile que j’en rajoute, vous avez tout compris: ce n’est pas dans la forme, ni même dans l’esprit --- dans cette imagerie consensuelle où puisent les publicitaires comme les arrivistes --- que le meilleur goût persiste! Ni même dans le fruit! J’excècre autant que vous l’emploi de l’adjectif goûteux ! Il reste utile aux mauvais chroniqueurs de télé, ils sont très nombreux, pour soutenir leur manque d’arguments, mais il est de trop pour les esthètes du plaisir qui savent bien que quand on parle de goût, c’est uniquement d’eux dont on parle! Parce que c’est nous seuls qui sommes goûteux !

Ce texte pourra paraitre dans la Gazette des Jardins :
agence@gazettedesjardins.com ainsi que sur le site d’Éric ROUX, rare et unique spécialiste du bon manger, consciencieux du vrai(et de l’agréable!):

"http://www.rouxcuisine.over-blog.com/"

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  Les Petits Fruits de Daniel DURET
16360 LE TÂTRE
Tél. : 05 45 78 48 33
Fax : 05 45 78 65 62

Site: http://www.petitsfruits.com

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