La clinique des bébés sur mesure

Réagissez à cet article Réagissez (18)Classez cet article ClassezImprimez cet article ImprimezEnvoyez cet article par e-mail EnvoyezPartagezPartagez
Partagez :
Partagez sur Twitter
Partagez sur Facebook
Partagez sur Scoopeo
Partagez sur del.icio.us
Partagez sur BlogMarks
Partagez sur Wikio
Partagez sur Viadeo

Cela dit, la situation en France est assez ambiguë : "Les Françaises viennent passer une semaine à Los Angeles, pour l'intervention et le diagnostic. Mais pour les auscultations préalables, les analyses, les traitements hormonaux, le suivi de la grossesse, elles sont prises en charge par des centres de FIV français qui sont parfaitement au courant de la situation."

En France, le diagnostic préimplantatoire (DPI) est autorisé depuis 1994 pour les familles touchées par "une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable" (mucoviscidose, chorée de Huntington, hémophilie…). 200 à 300 familles en bénéficient chaque année dans les trois centres français agréés (Paris, Strasbourg, Montpellier). Les lois françaises de bioéthique doivent être révisées avant fin 2010. Dans ce cadre, le Comité consultatif national d'éthique a estimé que les textes actuels en la matière fournissaient "un cadre juridique globalement satisfaisant", et propose que le DPI s'applique aussi à la trisomie 21.

L'Autriche, l'Allemagne, l'Italie et la Suisse interdisent le DPI, mais la plupart des pays occidentaux l'autorisent.

Israël est, avec les Etats-Unis, le seul pays occidental autorisant le choix du sexe de l'enfant par DPI – à condition que le couple ait déjà donné naissance à quatre enfants du même sexe.

COUPLES GAYS

Le Fertility Institute a contacté plusieurs cliniques françaises pour le compte de clientes : "Les responsables nous ont écoutés. Certains ont refusé de coopérer, mais les autres ont décidé de nous aider. Nous travaillons régulièrement avec deux cliniques parisiennes." Il plaint ses collègues européens, prisonniers de lois absurdes : "Parfois, quand ils effectuent un diagnostic génétique pour dépister une maladie, ils voient de quel sexe est l'embryon. Mais ils n'ont pas le droit de le dire aux parents."

Le docteur Steinberg ne limite pas ses services aux couples traditionnels : "J'ai eu comme cliente une femme célibataire qui avait décidé d'avoir un enfant pour l'élever seule, et qui a eu recours au diagnostic génétique parce qu'elle voulait une fille." Pour les couples de lesbiennes, c'est plus compliqué : le docteur prélève les ovocytes sur l'une des deux femmes, les féconde avec du sperme venant d'un donneur choisi sur catalogue, puis il implante les embryons dans l'autre femme.

Les partenaires sont donc toutes deux parents de l'enfant, chacune à sa façon : "Toutes les lesbiennes que j'ai traitées ont voulu des filles." Pour les couples d'hommes désireux d'avoir un enfant, la procédure est encore plus lourde : il faut trouver une donneuse d'ovocytes puis une mère porteuse. Les embryons sont fécondés par le sperme des deux hommes, moitié-moitié : "La majorité des couples gays veulent un garçon mais quelques-uns préfèrent une fille."

LA COULEUR DES YEUX

Sur sa lancée, le docteur Steinberg a eu envie d'étendre le champ d'application de ses diagnostics. Début 2009, il annonce qu'il va proposer à ses clientes de choisir la couleur des yeux de leur enfant. Plus précisément, si les deux parents possèdent dans leur ADN la combinaison génétique donnant les yeux bleus, il pourra sélectionner parmi leurs embryons ceux qui deviendront des bébés aux yeux bleus.

Or, cette fois, les médias s'emparent de l'affaire et popularisent le terme provocateur de designer babies (bébés sur mesure). Des intellectuels de tous bords, des responsables associatifs, religieux et politiques s'interrogent, condamnent, se lancent dans des spéculations futuristes : "En Californie, se souvient le docteur Steinberg, le débat était équilibré, il y avait les pour et les contre. Mais les gens des autres régions étaient tous négatifs et agressifs. A cause des yeux bleus, on m'a traité de nazi, alors que je suis juif et que j'ai consacré ma vie à soigner mes semblables." Ses détracteurs les plus acharnés ont été les intégristes protestants et le clergé catholique : "J'ai même reçu un appel téléphonique du Vatican, qui se disait préoccupé." En revanche, les juifs se sont peu manifestés, les autres religions pas du tout.

Voyant la polémique s'envenimer, le docteur Steinberg a annulé son projet. Pourtant, il reste persuadé que l'avenir lui donnera raison. Car contrairement aux élites intellectuelles, le peuple américain adopte ces innovations en douceur, sans états d'âme : "C'est un diagnostic cher, je pensais avoir peu de clients. Mais en quelques semaines, j'ai reçu plus de 500 demandes, dont 300 de Californie – beaucoup aussi du Mexique. Tous étaient déçus d'apprendre que j'avais renoncé."

Certains couples en profitaient pour demander si le Fertility Institute pouvait sélectionner les embryons qui donneraient des enfants athlétiques ou endurants : "Tout ça est très normal : depuis la nuit des temps, les parents rêvent d'avoir des enfants vigoureux, beaux, intelligents. Ils sont prêts à tous les sacrifices pour les aider à réussir dans la vie."

Il y a malgré tout une critique à laquelle le docteur Steinberg est sensible : on lui fait parfois remarquer que seuls les riches peuvent se payer ses services. Pour dissiper cette impression, il a imaginé un projet très californien : il va produire une émission de télé-réalité dont les participants seront des familles modestes ayant une bonne raison de vouloir choisir le sexe de leur enfant. Les téléspectateurs voteront et la famille la plus méritante gagnera une FIV avec sélection du sexe de l'embryon entièrement gratuite. La maison de production qui gère le projet a déjà repéré des candidats : une Italienne de 39 ans qui a perdu son fils unique dans un accident et veut avoir un autre fils avant qu'il ne soit trop tard ; et une famille américaine qui a deux garçons atteints d'hémophilie et voudrait une fille, car cette maladie ne frappe que les garçons. Un pilote est en cours de tournage, deux chaînes câblées sont intéressées. Le titre de l'émission a déjà été trouvé : "Rêves concevables".

Le "Monde Magazine" n°46, supplément du quotidien "Le Monde" du samedi 31 juillet.
Le "Monde Magazine" n°46, supplément du quotidien "Le Monde" du samedi 31 juillet.

Yves Eudes
Réagissez à cet article
Réagissez (18)
Classez cet article
Classez
Imprimez cet article
Imprimez
Envoyez cet article par e-mail
Envoyez
Partagez sur Twitter
Partagez sur Facebook
Partagez sur del.icio.us
Partagez sur BlogMarks
Partagez sur Wikio
Partagez sur Viadeo
PARTAGEZ
   
Vos réactions
Talion
  Les progrès des sciences et techniques doivent-ils tous forcément déboucher sur des applications concrètes? Aujourd’hui on peut choisir le sexe, demain, la couleur des yeux, après-demain un ensemble de caractéristiques simples etc. Si on n’impose pas une limite forcément arbitraire, alors il n’y aura aucune limite à la satisfaction de nos puérilités.. Est-ce vraiment ce que l’on souhaite?  

Immobilier
avec ImmoStreet.com

Les dernières annonces (Paris)