La clinique des bébés sur mesure

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UNE FILLE À COUP SÛR

Il y a des exceptions à la règle du "rééquilibrage familial". Ariadni Landon, 2 ans, une petite rouquine vive et rieuse, est née grâce à une FIV pratiquée par le docteur Steinberg. Sa mère, Kirsten, a déjà eu deux filles lorsqu'elle était très jeune et en a élevé une toute seule. En 2003, elle refait sa vie avec Matt, un informaticien calme et souriant. Elle s'installe avec lui à Concord, une bourgade perchée dans les collines à une heure à l'est de San Francisco.

En France, le diagnostic préimplantatoire (DPI) est autorisé depuis 1994 pour les familles touchées par "une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable" (mucoviscidose, chorée de Huntington, hémophilie…). 200 à 300 familles en bénéficient chaque année dans les trois centres français agréés (Paris, Strasbourg, Montpellier). Les lois françaises de bioéthique doivent être révisées avant fin 2010. Dans ce cadre, le Comité consultatif national d'éthique a estimé que les textes actuels en la matière fournissaient "un cadre juridique globalement satisfaisant", et propose que le DPI s'applique aussi à la trisomie 21.

L'Autriche, l'Allemagne, l'Italie et la Suisse interdisent le DPI, mais la plupart des pays occidentaux l'autorisent.

Israël est, avec les Etats-Unis, le seul pays occidental autorisant le choix du sexe de l'enfant par DPI – à condition que le couple ait déjà donné naissance à quatre enfants du même sexe.

En 2007, les Landon décident d'avoir un enfant. Mais Kirsten, qui approche de la quarantaine et a subi une opération gynécologique, pense qu'elle ne tombera plus enceinte naturellement et décide de recourir à la FIV. Elle veut en profiter pour choisir le sexe de son troisième enfant : "J'ai adoré m'occuper de ma petite fille, je voulais revivre cette expérience. A mon âge, je n'avais pas envie d'apprendre à élever un garçon, c'est trop différent. En fait, je ne suis pas sûre de pouvoir aimer un fils autant qu'une fille. Je vois mes copines qui ont des garçons : ils sont répugnants, ils font des concours de rots, ils se battent dans la boue, ils rapportent des grenouilles crevées…" Matt confirme en riant : "Moi, je rapportais des serpents à la maison !" Lui aussi avait envie d'une fille : "J'ai élevé le fils de ma première femme, qu'elle avait eu avec son précédent mari. Mais j'ai toujours eu envie de m'occuper d'une fillette, c'est un sentiment très fort."

Restait à trouver le moyen d'avoir une fille à coup sûr. Un jour, Kirsten lit un article expliquant que la sélection du sexe de l'embryon sera possible dans l'avenir. "Je me suis dit que c'était peut-être pour bientôt. Je me suis renseignée et j'ai découvert que c'était déjà faisable techniquement." Elle téléphone aux cliniques de sa région, en vain : "Certaines me disaient que ça n'existait pas, ou refusaient de me répondre. D'autres affirmaient qu'en cas de problème, je ne serais pas couverte par les assurances."

De son côté, Matt contacte l'hôpital de l'université Stanford, à Palo Alto : "Ils m'ont répondu qu'ils le feraient s'il y avait dans nos familles des cas de maladies héréditaires affectant les hommes mais pas les femmes. Ce n'est pas notre cas." Kirsten ne se décourage pas et finit par entendre parler du docteur Steinberg. Aussitôt, les Landon prennent leur décision : "On en a parlé à notre médecin et à notre entourage. Certains de nos amis étaient surpris mais personne ne nous a critiqués. D'ailleurs, je ne vois pas ce qu'il y a de critiquable." La FIV réussit du premier coup : "Trois des embryons étaient viables, deux étaient féminins. Le docteur les a implantés tous les deux et ça a donné Ariadni."

"CE SERA PLUS FACILE POUR MOI D'ÉLEVER UN FILS"

Certains couples veulent choisir le sexe de leur enfant dès la première grossesse. James B., 43 ans, médecin radiologue dans le Missouri, et son épouse Audrey, 30 ans, infirmière, avaient décidé avant même de se marier qu'ils auraient un seul enfant. Ils voulaient un garçon, surtout elle : "Je préfère l'univers des petits garçons à celui des petites filles, je m'y sens plus à l'aise. Je suis sûre que ce sera plus facile pour moi d'élever un fils qu'une fille."

Par ailleurs, dans sa vie professionnelle, Audrey côtoie des enfants atteints de maladies génétiques graves et assiste à leur calvaire. Pas question pour elle de prendre un tel risque, même s'il n'y a pas d'antécédents dans sa famille : "Peut-être parce que je suis infirmière, la FIV m'a semblé un choix évident, même si je n'en avais pas besoin pour procréer. A ce jour, c'est la seule façon de m'assurer que mon enfant n'aura pas de maladie génétique handicapante. Mon idée était de faire d'une pierre deux coups : avoir un enfant sain qui soit un garçon."

Audrey découvre qu'aucune clinique de sa région ne pratique la sélection du sexe des embryons, mais le Fertility Institute a l'habitude de gérer les patientes venues de loin : "J'ai fait un seul séjour à Los Angeles, une semaine pour l'ensemble de l'intervention." Audrey est enceinte de sept mois, l'échographie a confirmé qu'elle attendait un garçon.

LAS VEGAS, NEW YORK, MEXICO

Une fois reconnu en Californie, le docteur Steinberg a ouvert des succursales à Las Vegas et à New York. Tout se passe bien : "Là-bas, les seuls à me critiquer sont les sectes chrétiennes ultra-conservatrices, mais ces gens-là sont opposés à tout, même au dépistage des maladies génétiques. Cela dit, en privé, ils font le contraire de ce qu'ils prêchent à la télévision. J'ai réalisé des FIV avec sélection du sexe de l'embryon sur les épouses de plusieurs leaders de la droite religieuse, qui sont venues chez moi clandestinement."

Il a aussi monté une clinique à Mexico : "La loi mexicaine autorise le diagnostic préimplantatoire, sans plus de précision. C'est suffisant." La renommée du Fertility Institute a franchi les frontières. L'année dernière, le docteur Steinberg a traité près de 500 couples étrangers venus spécialement aux Etats-Unis. Les plus nombreux sont des familles chinoises riches et puissantes : "A 85 %, ces couples veulent un garçon parce qu'ils ont déjà une fille – apparemment, la politique de l'enfant unique ne concerne pas les gens haut placés. En général, ils tiennent à m'expliquer les raisons de leur décision. En Chine, un fils a le devoir de s'occuper de ses vieux parents et sa femme doit, elle aussi, s'occuper des parents de son mari, pas de ses propres parents. Les hommes d'affaires m'expliquent aussi que là-bas, il est facile de transmettre son entreprise à son fils alors que c'est compliqué avec une fille."

Le docteur reçoit aussi des couples de riches Indiens : "Avec eux, c'est simple : ils veulent des garçons et ne ressentent pas le besoin de se justifier." Le docteur Steinberg pratique aussi des sélections d'embryons pour des centaines de femmes européennes. Parmi elles, quelques Françaises : "Comme les autres Européens, la moitié des couples français veulent des garçons, l'autre moitié des filles. Ce sont des gens aisés, instruits, bien informés sur le plan médical et juridique. Ils savent que c'est illégal dans leur pays et prennent des précautions pour rester incognito."

Yves Eudes
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Vos réactions
Talion
  Les progrès des sciences et techniques doivent-ils tous forcément déboucher sur des applications concrètes? Aujourd’hui on peut choisir le sexe, demain, la couleur des yeux, après-demain un ensemble de caractéristiques simples etc. Si on n’impose pas une limite forcément arbitraire, alors il n’y aura aucune limite à la satisfaction de nos puérilités.. Est-ce vraiment ce que l’on souhaite?  

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